Pur bonheur 1

     Un jour, à Dorinne, j’ai eu sous les yeux l’image du bonheur, et je n’avais pas d’appareil photo pour l’immortaliser. J’étais reconnaissante de cette circonstance : cela me donnait l’occasion de l’écrire et je savais que je m’en souviendrais encore mieux comme ça.

     Une fillette sur la balançoire accrochée à la grosse branche du catalpa. L’arbre se dresse sur le coin de la prairie, à côté du chemin de cailloux qui descend en tournant vers la rivière. Le bleu du ciel et les dégradés de vert du catalpa, de la pelouse et de la colline derrière, sur l’autre rive, sont saisissants. La queue de cheval de la fillette danse au vent, au même rythme que le manteau dont elle a noué les manches autour de sa taille, parce que les beaux jours sont de retour et qu’il fait bon dehors sans veste. Elle crie sa joie, elle appelle cette nature dans laquelle elle se fond, qu’elle respire à pleins poumons après deux mois de confinement. Elle se cramponne aux cordes de la balançoire et va de plus en plus vite, de plus en plus haut, de plus en plus fort. La joie qu’elle ressent à sentir cette puissance s’ouvrir en elle est contagieuse. L’arbre la soutient de toute sa force tranquille.

     J’étais d’autant plus heureuse de l’écrire, de la savourer encore mieux, que c’était la fin de l’enfance. Après, bientôt, il y aura bien sûr toujours ces deux êtres que j’ai tant de plaisir à côtoyer, et il restera en souvenir ces cris de joie, cette insouciance, cette candeur qui sont tellement propres à l’enfance. Et tout ça, c’est gagné, c’est bien au chaud dans un coffre aux trésors, dans une multitude d’images dont, je pense, je n’arrêterai jamais de faire la liste.


Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *