Le matin, elle est à l’arrière de mon vélo. C’est un bon vélo électrique, elle est sur le porte-bagage, elle adore que je la conduise à l’école, et moi je me lève plus tôt juste pour pouvoir le faire. Elle serait assez grande pour pédaler, elle serait même assez grande pour aller à l’école toute seule, mais elle babille derrière moi, et moi je l’écoute me raconter sa vie, ses amis, ses préoccupations, son professeur embêtant. On dirait qu’elle a moins que son âge et je savoure ces derniers moments d’enfance.
Si on adore tant aller à l’école ensemble à vélo, c’est surtout parce qu’on passe par le petit bois du Keyenbempt. Au milieu du petit bois, il y a un ruisseau, mais il n’y a pas de pont. Il faut le traverser à gué, en faisant passer le vélo sur les pierres qui dépassent tout juste du niveau de l’eau, sans mouiller nos sacs accrochés à l’arrière.
Alors on met pied à terre, et là, on entend les frémissements du ruisseau, les piaillements des oiseaux, les frissonnements des feuilles des arbres, et on respire l’air frais de l’aurore chargé de rosée. Qui au monde a la chance de traverser un ruisseau à gué chaque matin ? Nous sommes là, juste à nous deux, en pleine nature. Au loin, le grondement étouffé des voitures qui brûlent leurs gaz puants sur du goudron gris pour rouler au pas entre des murs. Et nous deux, seules, immensément privilégiées d’être dans ce petit bois rien qu’à nous. Ou presque : on y croise parfois un promeneur qui flâne avec son chien, rarement un autre parent qui conduit un autre enfant à une autre école sur un autre vélo.
Regard complice : ce moment est délicieux, il nous appartient. Pas besoin de se parler pour savoir à quel point cet instant nous rend heureuses. Et même si maintenant les écoles sont fermées, le ruisseau, le petit bois, le vélo et les bruits dans les arbres sont toujours là. Aucune épidémie ne nous a pris ce moment-là.
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