Je t’aime

Dire je t’aime c’est suspect. Si tu le dis c’est qu’il y a un doute assez grand pour qu’il faille le préciser.

     Quand tu aimes tu dis pas je t’aime.

     Tu dis mets ta veste, il va pleuvoir. Ou prends une écharpe, on sait jamais, ils ont annoncé très froid aujourd’hui. Tu dis prends soin de toi, tu dis bonne journée mon cœur. Tu demandes alors ? comment s’est passée ta journée ? pas trop fatigué.e ? on fait quoi pour le souper, qu’est-ce qui te fait envie ?

     Tu demandes, tu as besoin de quelque chose ? Je te fais un café ?

     Tu dis va prendre un bain chaud, je vois que tu en as besoin.

     Tu dis repose-toi bien, dors bien, bonne nuit.

     Tu dis fais de beaux rêves, ce soir, tous les soirs et puis toute la vie. Tu lui souhaites le meilleur de ses rêves et même encore plus, et tu t’en réjouis. Tu lui souhaites l’épanouissement, la plénitude, l’accomplissement de soi.

     Tu dis je m’occupe de tout.

     Tu dis ne t’inquiète pas, tu dis je m’inquiète pour toi.

     Tu lui prends sa friandise préférée quand tu passes à la boulangerie, une fois de temps en temps, parce que tu penses aussi à sa santé. Pour son anniversaire, tu te réjouis : tu as son cadeau depuis des mois, iel va adorer.

     Tu dis profite bien, tu l’embrasses, tu lui tends les bras.

     Tu lui masses les mains, le visage.

     Tu dis sois prudent.e, reviens vite, je pense à toi.

     Tu dis courage, bravo, trop cool, tu dis je suis fièr.e de toi. Tu poses un regard tendre sur ses forces et ses vulnérabilités.

     Tes yeux sont éblouis par sa beauté, tout le temps, parce que tu vois mieux celle de l’intérieur.

     Tu dis c’est pas grave, tu dis pardon, tu lui pardonnes.

     Tu ris, vous riez ensemble, vous souriez, tu lui tiens la main.

     Tu partages le même plaid devant la télé ou la cheminée.

     Tu l’accompagnes si c’est trop dur tout.e seul.e.

     Tu voudrais pouvoir bannir la souffrance de ses yeux. Tu feras tout ce que tu peux pour y arriver.

     Tu dis je serai là, tu dis tu peux compter sur moi, tu sèches ses larmes, tu es le soutien, tu es son pilier. Et tu sais que c’est réciproque, que contre son pilier tu pourras t’effondrer, oublier une part de dignité.

     Tu vas à la gare au lieu de l’attendre à la maison. Parce qu’il fait mauvais, parce que tu ne peux plus attendre, ou les deux.

     Mais si tu dis, tu sais, je t’aime, alors attention, c’est que tu l’aimes déjà un peu moins.


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